BLOG
Mon entretien avec Genie.ch
Ceci est la version longue de mon interview réalisée par Sébastien Bourqui pour Genie.ch, le réseau de l’écologie industrielle du canton de Genève.
Éco-conception de solutions numériques : du site web à l’ERP, en mieux…
Développer des solutions numériques plus durables qui, simultanément, apportent des avantages à l’entreprise et à l’utilisateur final ? Bienvenue dans l’univers de l’éco-conception numérique dont les vertus sont multiples. Basée sur des données quantitatives mais surtout sur l’analyse du parcours utilisateurs, elle apporte une plus-value à de multiples égards (aussi en termes financiers !). Saviez-vous que les moteurs de recherche privilégient les sites éco-conçus ? Affaire à suivre…
En tant que consultante, vous vous distinguez par l’éco-conception numérique. Qu’est-ce que cela signifie ?
L’éco-conception numérique est une démarche d’amélioration continue qui permet de concevoir des services pertinents, faciles à utiliser et sobres afin de réduire leur impact environnemental. Les services numériques et les sites web actuels sont trop lourds : le poids d’une page web a été multiplié par 155 en 25 ans alors que 45% des fonctionnalités d’un site ne sont jamais utilisées ! On parle alors d’obésiciels. En éco-conception, plus on intervient tôt dans le projet, lors de la définition du besoin en considérant tout le cycle de vie du produit, plus l’effet de levier sera important.
Quand on évoque l’empreinte carbone du numérique, on pense avant tout aux datacenters. Dans quelle mesure l’éco-conception peut-elle avoir un impact significatif ?
L’empreinte environnementale du numérique n’a rien de virtuel : il représente 4% des émission de GES et croît de façon exponentielle. Le numérique rassemble de nombreux matériels - les équipements des utilisateurs, les réseaux (fibres, wifi, 4G) et les datacenters – qu’il faut considérer sur l’ensemble de leur cycle de vie en termes de consommation de ressources, comme des métaux et des terres rares dont certains s’approchent de la pénurie mais aussi d’eau et bien sûr d’énergie. En 2021, on recensait environ 5 000 datacenters à travers le monde. Leur usage pourrait être mutualisé, puisque l’on retrouve plusieurs solutions et plusieurs utilisateurs sur un même serveur. C’est rarement le cas pour les objets connectés qui étaient plus de 34 milliards cette même année ! En raison de leur nombre, les équipements des utilisateurs ont davantage d’impact sur l’environnement - rappelons que 62% de la population mondiale est connectée.
Des chiffres qui encouragent à prolonger la durée de vie des équipements….
Les équipements utilisateurs consomment 76% des ressources nécessaires au numérique lors de leur fabrication (8% pour les datacenters), 60% de l’énergie primaire (17% pour les datacenters). Au niveau du numérique mondial, 40% des GES sont émis lors de la fabrication et de l’utilisation (15% pour les datacenters). Il est primordial de réduire leur volume de fabrication, en les faisant durer, en les réparant, en achetant d’occasion. Actuellement, ces équipements ont un taux de renouvellement beaucoup trop court : 2 à 3 ans seulement pour un mobile. L’obsolescence logicielle et psychologique pousse les utilisateurs à remplacer des équipements qui sont encore fonctionnels. C’est un des grands enjeux de l’éco-conception numérique : lutter contre ce phénomène en proposant des services qui consomment moins de ressources informatiques et moins d’énergie au niveau des équipements utilisateurs, des réseaux et des serveurs. À cela s’ajoute une dimension éthique - le respect des utilisateurs, l’accessibilité, la protection de la vie privée, etc. - qui inscrit l’éco-conception dans une démarche portée par l’Institut du Numériques Responsable Suisse dont je suis membre du comité.
Quels sont les points clés que vous analysez lors d’un audit ?
Il y a trois axes d’analyse. Premièrement, l’étude quantitative examine la performance et les résultats analytiques de la solution, soit une analyse de données pures. Elle est complétée par une étude qualitative qui évalue l’utilisabilité du service et le taux de satisfaction des utilisateurs que je détermine à travers des interviews, des tests, des évaluations heuristiques et en analysant les parcours utilisateurs. Enfin, l’étude environnementale estimera les impacts de la solution numérique à l’aide d’un outil choisi avec soin. Avec ma méthodologie, tous les plans du service numérique sont explorés ce qui permet de révéler tous ses points d’améliorations et de définir une vraie stratégie numérique responsable pour entrer sereinement dans l’éco-conception numérique.
A l’échelle de l’entreprise, vous visez les mêmes objectifs en optimisant les ERP…
C’est une solution numérique comme une autre : elle peut tout à fait être éco-conçue. Les solutions actuelles des grands éditeurs ne prennent malheureusement pas en compte cette dimension, mais des solutions open source existent et permettent de concevoir des ERP éco-responsables. En choisissant un ERP Open-Source, je peux concevoir un ERP sur mesure et durable qui répond avec précision aux besoins métiers des entreprises tout en respectant leurs valeurs environnementales et sociales. Pour cela, j’accompagne mes clients dès l’entrée en phase de conception en explorant en profondeur leurs attentes en terme métier et leurs objectifs environnementaux. Nous définissons ensemble la solution la mieux adaptée à leur contexte. Idéalement je réalise un prototype de la solution pour la tester et la valider la solution avant son développement avec mes partenaires de confiance, tout en assurant son suivi.
Comment quantifier l’impact d’une solution numérique et l’effet induit par l’éco-conception ?
On ne peut comparer que des services comparables, soit avec un parcours utilisateur identique ou un même service. Chaque solution est unique, on ne peut pas comparer un site vitrine avec un site d’e-commerce. Mais nous pouvons estimer l’impact environnemental d’un service numérique grâce à des outils en ligne comme GreenIT Analysis développé par l’association GreenIT dont je suis membre. Cet outil permet d’estimer la performance et l’empreinte environnementale d’une page donnée, d’après sa complexité, son poids, le nombre de sollicitations des serveurs, etc. Il apporte au développeur une référence et des pistes d’amélioration. Mais cela reste un ordre de grandeur qui ne dispense pas d’une analyse poussée. L’éco-concepteur doit considérer le parcours de l’utilisateur moyen plutôt que les pages une à une, s’appuyer sur des référentiels d’éco-conception et d’accessibilité et surtout considérer l’ensemble du cycle de vie du projet. Concernant les labels, je citerais le label NR de l’Institut du Numérique Responsable. Son processus très exigeant garantit la crédibilité de sa démarche durable et de responsabilité sociétale autour du numérique.
Au-delà de la seule performance écologique, l’éco-conception apporte d’autres avantages…
La force de l’éco-conception numérique repose sur des bénéfices multiples : au niveau de l’environnement avec la réduction de l’empreinte, au niveau des utilisateurs avec une expérience plus plaisante (facilité d’utilisation, rapidité, accessibilité) et bien sûr au niveau des entreprises. L’éco-conception leur permet d’atteindre plus d’utilisateurs, d’avoir une meilleure visibilité grâce à un référencement optimisé (les moteurs de recherche privilégient les sites éco-conçus), de faire des économies de développement et de maintenance - la dette technique d’un projet peut atteindre 70% ! – mais aussi d’infrastructure (un hébergeur green n’est pas forcément plus coûteux), de valoriser son image en affichant leurs valeurs - s’il existe bien une démarche globale de soutenabilité, sinon gare au greenwashing ! - et de se préparer aux futures réglementations européennes : si l’éco-conception de services numériques n’est pas une obligation, de nombreux projets de lois et publications montrent qu’elle pourrait le devenir.
Réduire l’empreinte environnemental de vos services numériques
Oui c’est possible, grâce à ma démarche d’éco-conception numérique.
Évaluons vos enjeux